Père Girard

Jean Baptiste Melchior Gaspard Balthasar Girard est né à Fribourg (Suisse), en 1765. Il reçoit de sa mère une éducation très religieuse, imprégnée de tolérance et banissant toute forme de punition. Il fréquente l’école des jésuites et, en 1781, entre dans l'ordre des franciscains. Il prend le nom de Grégoire, fait son noviciat à Lucerne en 1782 avant de poursuivre des études de philosophie et de théologie à Wurtzbourg (Bavière). Ordonné prêtre à Fribourg en 1788, il s’intéresse très tôt à l’éducation puis, répondant à un appel de Philipp Albert Stapfer, ministre de l’instruction publique de la République helvétique, lui adresse un rapport, Projet d’éducation publique pour la République helvétique. Cet exposé le fait connaître et il est appelé à Berne où il rencontre Pestalozzi pour la première fois. En 1803, il revient à Fribourg, invité à prendre la direction des écoles primaires françaises. Là commence véritablement sa carrière pédagogique. Dès sa prise de fonction, il pratique ce qu’il appelle des “cours gradués”, proche du mode d’enseignement mutuel. Mais ce n’est qu’en 1815 qu’il prend réellement connaissance de cette méthode et, une année plus tard, il la met en application en s’inspirant de la pédagogie d’Andrew Bell qu’il rencontre en 1819.

Dès la mise en oeuvre de cette nouvelle pratique, il se heurte à une très forte résistance malgré les encouragements du gouvernement, en particulier ceux du comte d’Affry et de l’évêque Mgr Yenni, ce dernier qui change complètement d’avis six ans plus tard. Malgré cette opposition conduite par l’autorité religieuse qui souhaite rétablir le pouvoir de l’Eglise sur l’instruction, il obtient de la ville de Fribourg, en 1816, la construction d’une école d’enseignement mutuel pouvant accueillir près de 300 élèves. Mais l’appui des autorités ne suffit pas, la bataille autour de sa méthode se fait de plus en plus vive. La commune ordonne alors une enquête qui débouche sur la décision du Grand Conseil, prise en 1823 par 79 voix contre 35, de supprimer l’enseignement mutuel. 

Le Père Girard quitte Fribourg pour Lucerne où il enseigne la philosophie jusqu’en 1834 et fait oeuvre de pionnier dans la formation des maîtres. De retour à Fribourg, il consacre une partie de son temps à poursuivre l’écriture de son oeuvre pédagogique. Celle-ci est marquée par deux ouvrages importants : grammaire des campagnes, à l'usage des écoles rurales du canton de Fribourg (Fribourg : Piller, 1821), ouvrage caractérisé par la simplicité de son approche de la grammaire, exempt de nomenclature inutile, utilisant une démarche inductive, et De l'enseignement régulier de la langue maternelle dans les écoles et les familles (Paris : Dezobry, E. Magdeleine et Cie, 1844). Il est à remarquer que seule la première partie de la Grammaire des campagnes a été éditée

Il meurt, le 6 mars 1850, à Fribourg.

Considéré comme le promoteur de l’enseignement mutuel en Suisse romande, il emprunte à Bell l’essentiel de sa méthode, en l’adaptant aux conditions locales. Il entretient une relation souvent difficile avec Pestalozzi dont il reconnaît la valeur morale et la démarche qu’il considère toutefois inapplicable, inadaptée à l’école publique populaire. Il lui reproche également son absence de sens administratif, de mesure en toute chose. Et il n’oublie pas Rousseau dont il admet les mérites mais ne voit dans l’Emile qu’un roman d’imagination qui met en scène un seul élève n’ayant aucun rapport avec la réalité.

Dans le canton de Vaud, il a exercé une influence importante en entretenant d’étroites relations avec Frédéric-César de La Harpe, le principal soutien de l’enseignement mutuel vaudois naissant. Il a accueilli de nombreux régents désireux ou contraints de se former à l’enseignement mutuel. Dès 1816, ceux-ci se rendaient à Fribourg pour recevoir conseils et instructions.