Traditionnelles

LES METHODES TRADITIONNELLES

Tout le monde en parle. Les uns, avec un brin de nostalgie et de regret, revivent le silence qui régnait dans la classe, l’attitude des élèves, leur maîtrise parfaite des règles de grammaire et des tables de multiplication, leur connaissance par cœur de poèmes et des dates jalonnant l’histoire de la Suisse. Les autres ont un souvenir parfois douloureux de la discipline quasi militaire qui était imposée, des sanctions qui pleuvaient, des longues écoutes d’exposés souvent pesants.

Mais, où et quand la pédagogie traditionnelle est-elle née ? Qui l’a initiée ? Impossible de répondre. A aucun moment un chercheur, un pédagogue n’a développé une approche qu’il aurait baptisée “méthode traditionnelle”. Son origine semble se perdre dans la nuit des temps. Ce terme, plutôt ambigu, ne renvoie en fait à aucune technique particulière. Il n’est entré que récemment dans le langage des pédagogues, utilisé par ceux qui souhaitent se démarquer, s’opposer à la pédagogie qui les a précédés. Ce qui n’est pas “pédagogie active, nouvelle, fonctionnelle” est qualifié de “traditionnelle”. Les méthodes qui leur sont liées se présentent alors comme des pratiques pédagogiques qui se transmettent par imitation, par héritage, de génération en génération de maîtres. 

Ces méthodes offrent un certain nombre de points communs :

  • l’école fonctionne en vase clos, elle entretient peu de contact avec le monde extérieur;
  • transmission directe et magistrale des matières enseignées;  
  • nombreux exercices d’application;
  • cloisonnement des diverses branches;
  • conception autoritaire et formaliste de l’enseignement;
  • relation maître-élève fortement hiérarchisée et celle entre élèves peu encouragée, voire condamnée;
  • discipline stricte.

Les Règles de l’école (1892) et la Charte de l’écolier lausannois (1945) illustrent les changements de ton et de perspective, tout en restant dans une approche traditionnelle.

Extraits :

Art 6   Mon enfant, aime et respecte ton maître qui passe sa vie à t’instruire; obéis promptement et sans murmure à ce qu’il te commande (1892)

Art 1   Ne babille pas avec tes voisins et ne fais point de bruit dans la classe (1945)

Art 24 J’aime mon maître et mes camarades (1892)

Art 4   J’évite le bruit, le désordre, la saleté et la désobéissance (1945)

Ces pratiques, cette rigueur et cet état d’esprit évoluent très lentement. Après des décennies d’immobilisme, des réformes s’amorcent, s’accélérant au cours du XXe siècle, d’abord sous l’influence de Pestalozzi (1746-1827), du Père Girard (1765-1850), puis de Johann Friedrich Herbart (1776-1841). Ce dernier, se fondant sur son expérience, pense que l’éducation et l’instruction ne peuvent être séparées. Il revendique une certaine liberté pédagogique afin que l’enseignant puisse adapter son enseignement à chaque cas particulier. 

Cette lente évolution est liée aux profonds changements que l’industrialisation naissante, l’urbanisation croissante, l’émergence d’une politique laïque et moins conservatrice favorisent. En 1833, la création de l’École normale de Lausanne, puis en 1856 le regroupement des enseignants vaudois en une Société pédagogique et l’édition de son journal dès 1865, poussent les “régents” à adopter une position plus critique. Les idées nouvelles sont facilement diffusées, l’influence genevoise se fait sentir et les méthodes développées par Claparède (1873-1940), Ferrière (1879-1960) et Freinet (1896-1966) pénètrent progressivement les esprits. Dès le début du XXe siècle, ces changements font l’objet d’âpres débats tant dans le monde politique qu’au sein même du corps enseignant et ce n’est que dans les années 1950 qu’ils acquièrent, petit à petit, droit de cité.

L’évolution des mentalités durant la seconde moitié du XXe siècle et l’amélioration des conditions matérielles ont favorisé le fléchissement des méthodes dites “traditionnelles”.

Aujourd’hui encore, politiciens et pédagogues s’affrontent, parfois de manière dogmatique, au sujet des théories pédagogiques. Mais en observant l’enseignant actuel dans sa pratique journalière, on voit qu’il choisit, selon sa sensibilité et ses affinités, mais aussi selon le sujet à enseigner et le temps à disposition, tantôt une démarche inspirée des pédagogies actives, tantôt une démarche plus traditionnelle.

(1) Règles de l’école, tableau mural, 1892 d’après Frédéric MAILLARD, Jacques DUBAR, Lausanne : Corbaz, 1868

(2) La charte de l’écolier lausannois, Direction des Écoles de Lausanne, Lausanne : Roth & Sauter, 1945

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